La fin du holdout
Un débat continu et central parmi les juristes en droit successoral porte sur le niveau de conformité aux exigences légales que doivent respecter les testaments en cours d’homologation. Au cours des dernières années, plusieurs administrations provinciales canadiennes ont mis à jour leurs exigences formelles relatives à la validité des testaments, signalant un passage généralisé de la doctrine de la conformité stricte à la doctrine de la conformité substantielle. Le débat sur la conformité stricte par rapport à la conformité substantielle met en évidence deux attitudes opposées que les tribunaux peuvent adopter lorsqu’ils appliquent les lois sur les testaments, les fiducies et les successions de leur juridiction. Les partisans de la stricte conformité soutiennent qu’elle empêche les tribunaux d’outrepasser leurs rôles pour déduire les intentions testamentaires du défunt. Ceux qui sont en faveur d’une conformité substantielle prétendent que leur cadre permet aux tribunaux de signifier véritablement les intentions fixes et définitives pour la disposition de la succession d’un défunt.
Terre-Neuve-et-Labrador est l’une des deux administrations canadiennes qui fonctionnent encore en vertu d’un cadre de conformité strict. D’autres provinces, comme la Nouvelle-Écosse et la Colombie-Britannique, ont adopté des lois de conformité substantielles beaucoup plus souples, avec une marge de manœuvre dans la jurisprudence pour clarifier la portée de ce pouvoir. D’autres provinces, comme l’Île-du-Prince-Édouard, ont adopté un terrain d’entente, préconisant une loi sur la conformité partielle qui exige toujours que le testateur ait satisfait à certaines exigences légales pour qu’un document soit homologué. Pendant plus de 20 ans, l’Ontario a hésité à adopter des lois de conformité substantielles. En avril 2021, l’Assemblée législative a adopté le projet de loi 245 – Loi accélérant l’accès à la justice, ajoutant le paragraphe 21.1(1), sa version d’une disposition de conformité substantielle, à la Loi portant réforme du droit des successions (la « LRDS »). Le 1er janvier 2022, le nouveau régime est entré en vigueur.
Sills v. Daley : l’adhésion inébranlable de la Cour à la stricte conformité
La nouvelle loi est importante pour les testateurs et les bénéficiaires. Elle ouvre la porte non seulement aux personnes qui craignent que leurs proches n’aient pas laissé de documents testamentaires entièrement valides, mais aussi à de nouveaux litiges concernant des testaments mal exécutés avec des instructions contradictoires sur la disposition de la succession. Ce qui est évident, cependant, c’est qu’une affaire comme Sills c. Daley, 2003 CanLII 72335 (ON SC) serait tranchée différemment aujourd’hui en vertu des nouvelles directives. Daley, la défunte, a signé un testament révoquant un testament antérieur peu avant son décès. Le nouveau testament ordonnait qu’au lieu que la maison de Daley revienne à l’un de ses enfants, elle soit divisée également entre tous. Cependant, Daley n’a pas correctement signé le nouveau testament, car il n’a été signé que par un seul témoin, bien que plus de deux étaient dans la pièce avec elle pendant qu’elle signait le nouveau document. Les testateurs exigeaient que les testateurs aient deux témoins ou plus.
La Cour a finalement conclu qu’elle ne pouvait pas valider le deuxième testament parce qu’elle n’avait pas le pouvoir discrétionnaire de le faire sans une disposition de conformité substantielle existante. Dans l’affaire Daley, les conséquences ont entraîné un manque d’équité pour tous les bénéficiaires de la testatrice malgré des preuves claires de son intention testamentaire. Nous espérons que le paragraphe 21.1(1) de la LRDS atténuera ce problème. Dans son article fondateur de 1975 sur la conformité substantielle, le professeur John H. Langbein a écrit : « La règle de la conformité littérale... est un piège pour les ignorants et les mal avisés, une gueule de bois inutile d’une époque où le droit de la preuve n’en était qu’à ses balbutiements. Une affaire récente de 2021, Objet : Succession Lacroix, 2021 ONSC 2919, a été tranchée quelques mois seulement avant l’adoption de la nouvelle loi sur la conformité substantielle. La Cour a adopté une approche aussi stricte qu’elle l’avait fait près de 20 ans auparavant dans l’affaire Daley, refusant de valider un document en partie holographique et en partie manuscrit aux fins d’homologation. Si une demande d’homologation de lettres était faite pour la succession de Rebecca Lacroix aujourd’hui, on pourrait imaginer un résultat nettement différent.
À retenir
Seul le temps nous dira comment la Cour exercera son nouveau pouvoir discrétionnaire en vertu du paragraphe 21.1(1) de la LRDS. La jurisprudence future sera instructive sur la façon dont la Cour perçoit ses pouvoirs de guérison, avec la perspective conservatrice de l’exigence de conformité partielle de l’Alberta ou la souplesse de la Wills, Estates, and Succession Act de la Colombie-Britannique. La disposition réelle, intitulée « Validité ordonnée par le tribunal », se lit comme suit :
21.1 (1) Si la Cour supérieure de justice est convaincue qu’un document ou un écrit qui n’a pas été dûment signé ou rédigé en vertu de la présente loi énonce l’intention testamentaire d’un défunt ou l’intention d’un défunt de révoquer, de modifier ou de rétablir un testament du défunt, la Cour peut, sur demande, ordonner que le document ou l’écrit soit aussi valide et pleinement efficace que le testament du défunt : ou comme la révocation, la modification ou la reconstitution du testament du défunt, comme s’il avait été dûment exécuté ou fait. 2021, chap. 4, annexe 9, art. 5.
Les considérations futures pourraient être de savoir si la Cour, en vertu de cette disposition, validera les testaments électroniques, les documents non signés et les modifications apportées à des testaments antérieurs. La façon la plus claire d’éviter les litiges prolongés sur des questions de non-conformité à la loi est de s’assurer que tout document non holographique qu’un testateur rédige ou modifie est signé devant des témoins. Jusqu’à ce qu’une cause présentant de nouveaux faits soit présentée par la Cour, les praticiens de l’Ontario n’auront pas beaucoup de conseils.
À mesure que l’Ontario apprend à intégrer une conformité substantielle dans son paysage juridique, il s’inspirera probablement des cas et des principes existants d’autres provinces. Pour en savoir plus sur la façon dont d’autres juridictions ont traité la conformité substantielle dans leur jurisprudence, consultez ces articles :
Manitoba
Pour connaître les pièges d’une conformité substantielle et la façon de les éviter, consultez cet article.