Abus de fiducie
Lorsqu’ils envisagent un abus de confiance, la plupart des esprits se tournent directement vers des activités frauduleuses ou malhonnêtes qui profitent personnellement au fiduciaire ou au fiduciaire. Un exemple stéréotypé d’un tel comportement se trouve dans le Barreau de l’Ontario c. Stroud, 2022 ONLSTH 99, où l’avocat et le fiduciaire de la succession ont menti au sujet de l’existence d’un testament et ont détourné des centaines de milliers de dollars de nombreuses successions. Pourtant, les violations de confiance ne sont souvent pas toujours commises de manière égoïste.
Être administrateur est difficile. Il est difficile d’équilibrer les différents intérêts des bénéficiaires, la santé financière de la succession et la santé mentale. Ajoutez à cela des bénéficiaires non canadiens et des litiges prolongés sur les actifs de la succession, et vous obtenez une situation propice aux faux pas et à l’abus de confiance d’un fiduciaire. Dans la récente affaire Pfisterer Estate v. Hoepfinger-Pfisterer, 2022 ONSC 4117, la Cour supérieure de justice de l’Ontario a réfléchi aux devoirs et obligations des syndics dans des circonstances difficiles. Malgré sa sympathie apparente pour la situation difficile du syndic, sa réprimande de ses actes non autorisés démontre les multiples façons dont il ne faut pas commettre d’abus de confiance.
Contexte
Wolfgang Pfisterer, le défunt, possédait de grandes étendues de terrain autour de Windsor en tant qu’investissements évalués à un peu moins de 5 millions et des comptes évalués à 1,2 million de dollars. Dans son testament, Wolfgang nomme Tom Smith fiduciaire de sa succession. La deuxième clause de sa disposition testamentaire stipulait que Tom devait s’entretenir avec Doris avant de prendre toute décision concernant la succession, tandis que la troisième clause accordait tous les pouvoirs discrétionnaires au fiduciaire. Le litige sur les actifs de la succession a compliqué les choses. Doris a affirmé que le compte bancaire de 1,2 million de dollars était un compte conjoint qui lui avait été transmis par survivant et qu’il ne faisait donc pas partie de la succession dont tous les bénéficiaires pouvaient hériter. Ce litige distinct a laissé les bénéficiaires divisés et apparemment peu disposés à travailler ensemble pour garder la succession financièrement entière. Face à cette illiquidité, Tom estimait que la succession ne pouvait pas payer l’impôt sur les gains en capital et les frais juridiques perçus sans ce compte. Cette multiplication de facteurs lui fit croire que la vente des terres agricoles était la seule possibilité pour le bien-être financier du domaine.
Il a d’abord informé les bénéficiaires d’une offre pour la ferme le 3 juin 2021, à laquelle ils et Doris se sont opposés. Peu après, le 23 juin, Tri-B Acres a offert une offre nettement meilleure de 13,1 millions de dollars pour les terres agricoles. L’offre urgente était conditionnelle à ce que Tom dépose une demande d’ordonnance d’approbation au tribunal et travaille de bonne foi pour conclure l’accord. Le syndic a accepté l’offre, puis en a informé les bénéficiaires le 25 juin. Les 5 et 6 juillet, M. Walker, l’avocat des bénéficiaires et Doris, ont informé Tom qu’il ne devait pas procéder à la vente.
En réponse, M. Sasso a déclaré que les bénéficiaires n’avaient pas confirmé un lotissement des terres agricoles, que le litige de Doris au sujet du compte conjoint empêchait le financement de la succession et que les bénéficiaires n’avaient pas conclu d’entente sur la façon de payer les dépenses de la succession. Sans résolution de ces problèmes, Tom n’avait aucun moyen de payer les frais d’administration sans l’aliénation des terres agricoles. Tom procéderait à la demande de vente. M. Walker a répondu en informant Sasso que les bénéficiaires étaient unis et ne voulaient pas que les terres agricoles soient vendues. Tom a néanmoins poursuivi la demande de vente. Sur avis de la demande, les bénéficiaires ont conclu une entente pour financer eux-mêmes le fardeau fiscal afin de préserver les terres agricoles de l’Ontario. Ils ont également déposé une contre-demande pour rejeter la demande de vente et destituer Tom de son poste de fiduciaire.
Réclamations des bénéficiaires
Les bénéficiaires ont accusé Tom d’avoir manqué à ses obligations fiduciaires, de loyauté, de transparence et de bonne foi de trois façons. Premièrement, il n’a pas respecté l’article 2 du testament en ne s’entretenant pas avec Doris. Tom a accepté une offre et a demandé la vente des terres agricoles sans avis approprié. Deuxièmement, il a contracté une hypothèque sur les terres agricoles de l’Ontario pour prélever une indemnité, contractant ainsi une dette sans l’approbation du tribunal, le consentement du bénéficiaire ou le pouvoir accordé par le testament. Enfin, il a justifié la vente par de faux facteurs et allait à l’encontre de la volonté directe des bénéficiaires, tout en ne faisant pas preuve de diligence raisonnable. Tom a demandé des conseils comptables qui l’ont informé à tort d’un impôt sur les gains en capital supérieur à 1 million de dollars. En réalité, la succession et les bénéficiaires pouvaient reporter cet impôt, mais Tom a utilisé ce montant pour justifier la vente des terres agricoles.
Position du syndic
Dans ce scénario, le syndic s’est appuyé sur le récent arrêt Walters v. Walters, 2022 ONCA 38, qui laissait entendre que la seule question en litige lorsqu’on discute d’un abus de confiance dans l’exercice du pouvoir discrétionnaire d’un fiduciaire est de savoir s’il y a eu irrégularité, mauvaise foi, manque de bonne foi ou manquement à la prudence raisonnable. Il croyait qu’il n’avait franchi le seuil pour aucun de ces trois en exerçant son pouvoir discrétionnaire de vendre les terres agricoles. Dans cette situation, il croit que l’offre était supérieure à toute autre et qu’il était dans l’intérêt financier de la succession et des bénéficiaires d’accepter l’offre. S’engager à représenter la vente de bonne foi auprès de Tri-B agissait simplement dans l’intérêt supérieur de la succession. Il croit également qu’il a suivi le testament en impliquant Doris dans les déboires financiers de la succession, et lorsqu’elle a déclaré qu’elle n’avait aucun intérêt à vendre les terres agricoles le 3 juin, il n’y avait plus aucune raison de la consulter. Toutes ses actions ont été faites de bonne foi dans l’intérêt supérieur de la succession.
Avis de la Cour
La Cour a analysé la situation et a conclu à un manquement à une obligation sur de nombreux fronts. Il a examiné les violations présumées en trois grandes catégories.
1) Conférer
Le tribunal a convenu que Doris pourrait avoir été responsable de la crise de la succession en raison du litige prolongé sur les comptes. Cette incertitude a amené le syndic de l’Ontario à croire qu’il devait vendre les terres agricoles. Néanmoins, le libellé clair du testament exigeant que Tom s’entretienne avec Doris était sans équivoque. Il était impératif de consulter Doris sur la décision la plus importante de la succession (la vente) pour s’acquitter de son obligation fiduciaire. Cette obligation n’est pas annulée par la croyance de Tom que Doris avait déjà rejeté toute vente future, ni par le fait qu’il s’est fié aux conseils de son avocat. Il avait l’obligation positive de s’entretenir. S’il l’avait fait, les bénéficiaires auraient élaboré un plan pour garder les terres agricoles à l’intérieur du domaine, ce qu’ils ont finalement fait après qu’il eut signé le contrat de vente. Même si cette action collective n’était pas possible, le fait de s’entretenir avec les bénéficiaires leur aurait permis de s’assurer que la vente profite à leurs intérêts particuliers. En omettant de conférer comme l’obligeait le testament, Tom a commis un abus de confiance.
2) Enregistrement de l’hypothèque ou de l’indemnité de prélèvement
Tom a également prépris une indemnité de 300 000 $ de la succession sans l’avoir autorisée par le testament ou le tribunal. Il allègue que son avocat lui a conseillé d’accepter une telle indemnité sans consulter Doris ni l’approbation du tribunal, car il pourrait plus tard faire approuver cette précompensation lors de la liquidation de la succession. L’avocat de la succession a affirmé que les bénéficiaires avaient été informés du taux d’indemnisation et n’ont pas contesté le montant.
La cour a cité Wall v. Shaw, 2018 ONCA 929 et a déclaré qu’un fiduciaire ne peut prérecevoir une indemnité (1) qu’avec l’accord de toutes les personnes ayant un intérêt acquis ou éventuel (2) si le tribunal l’approuve (3) lorsque le testament le permet. En dehors de ces circonstances, le fiduciaire peut avoir manqué à la fiducie, en particulier dans les successions très litigieuses. Tom n’a pas satisfait aux exigences nécessaires pour prérecevoir une indemnisation. Il a également manqué aux obligations du testament en omettant de s’entretenir avec Doris lorsqu’il a contracté une hypothèque de 500 000 $ pour se payer. La cour était particulièrement préoccupée par l’hypothèque secrète; la succession a assumé le fardeau du service des paiements d’intérêts de l’hypothèque uniquement pour l’indemnisation de Tom. L’indemnisation préalable non autorisée et les paiements d’intérêts inopinés constituaient un autre abus de confiance.
3) Déclarations inexactes sur les gains en capital :
Tom a d’abord informé les bénéficiaires qu’ils devaient 1,2 million de dollars en impôt sur les gains en capital. Lorsque l’offre de Tri-B a été évaluée à 13,1 millions de dollars, la taxe potentielle est passée à 2,1 millions de dollars. La demande de Doris de devenir propriétaire des comptes menaçait la capacité de payer de la succession. À l’époque, ces facteurs ont poussé Tom à tenter de vendre les terres agricoles. Ils se sont avérés plus tard inexacts tant au sens juridique que dans la croyance que les bénéficiaires n’étaient pas en mesure (ou ne voulaient pas) payer les coûts nécessaires. Les bénéficiaires allèguent qu’il n’y avait aucune raison pour que Tom ne retienne pas les services d’un conseiller fiscal juridique, ne communique pas avec un agent de l’ARC ou ne demande pas un avis fiscal officiel à l’ARC à ce sujet.
La Cour n’était pas d’accord sur les trois allégations. Le fiduciaire de l’Ontario a agi avec diligence raisonnable dans l’administration de la succession. Tom n’avait aucune expérience en comptabilité et une expertise limitée dans la gestion des actifs et pouvait donc se fier aux opinions que lui donnaient son avocat et le comptable personnel de Wolfgang. Le fait de se fier à des renseignements inexacts n’était donc pas un abus de confiance.
Réparation équitable
Tom avait demandé au tribunal une réparation équitable. Cette réparation ne peut être accordée que lorsque le requérant a « les mains suffisamment propres » en ce qui concerne spécifiquement la mauvaise conduite en question devant le tribunal. Malheureusement, malgré la situation difficile dans laquelle les bénéficiaires l’avaient placé, les nombreux actes non autorisés et le secret du syndic étaient inexcusables et l’empêchaient de demander une réparation équitable.
En conclusion
La Cour a donc rejeté l’appel de Tom et accueilli en partie les demandes de Doris Pfisterer. Ils ont refusé la vente des terres agricoles, ont destitué Tom de son poste de fiduciaire de l’Ontario et ont nommé un fiduciaire successeur de Casey and Moss LLP.
Les syndics, en particulier ceux qui n’ont pas d’expérience, doivent toujours demander l’approbation de la source appropriée lorsqu’ils prennent des décisions importantes ou prennent des mesures. Si Tom avait correctement suivi les instructions explicites du testament, demandé au tribunal de prélever une indemnité et communiqué adéquatement avec les bénéficiaires au sujet de ses décisions en leur nom, il aurait évité le litige. La Cour a rappelé une fois de plus aux syndics de l’Ontario et à leurs avocats qu’ils ne peuvent agir de manière informelle sans conséquence. Les syndics doivent respecter leurs obligations et instructions légales particulières tout en respectant les procédures établies par la Loi sur les fiduciaires et la jurisprudence. Cette formalité est particulièrement essentielle lorsqu’il s’agit de signifier des instructions contradictoires à un groupe divisé de bénéficiaires. Le simple fait de croire que l’on agit dans l’intérêt supérieur de la succession est insuffisant pour se protéger d’un abus de confiance.